www. walk into the night
walk into the night
ft. emily
« L’étudiant modèle qui devient hors-la-loi, jour à noter d’une pierre blanche.
Ah. Ah. Ah, il lâche, de ce simili-rire forcé, las et moqueur, en se saisissant de la bombe de peinture qu'elle lui tend. Disons que j'ai une dent contre les vandales qui profitent de leurs expéditions en urbex pour peinturlurer de sublimes théâtres d'antan ou des vestiges d'un autre temps qui méritent de rester intacts. »

Les chefs d'oeuvre d'artistes d'autres siècles, et qu'il faudrait préserver – il ne supporte pas l'idée de les voir se couvrir de graffitis sous les mains d'insensibles qui ne désirent que laisser leur empreinte et dilapider l'histoire.

« Un vieil entrepôt, cela dit… J'imagine que ça ne tuera personne ? – il se mord l'intérieur de la joue, encore un peu hésitant, peut-être, avant d'hausser les épaules. Puis, j'ai envie de m'amuser un peu. »

Il secoue la canette en s'approchant du mur, et s'accroupit pour tester le jet de peinture au ras du sol – il n'a jamais rien utilisé de tel pour en faire un semblant d'art ; il a bien vidé quelques bombes pour retaper les meubles de sa chambre avec son beau père quelques années plus tôt, mais le travail n'avait pas besoin de la moindre minutie. Ici, l'artiste en lui désire bien faire, et c'est plus fort que lui – alors, il saisit son portable et cherche sur internet un modèle de lettrage qui l'inspire et dont il étudie les courbes et les ombrages, l'espace d'un instant. Puis il se redresse et, jetant des coups d'oeil fréquents à son écran dont il a retardé le rétroéclairage pour l'occasion, il commence son traçage, le geste hésitant, la main un rien tremblante et le trait irrégulier – il lui faut quelques lettres pour ajuster la distance entre le mur et l'aérosol.

« Si j'te les termine je te les repaye, il lance à la cantonade, avant de marquer une pause pour la regarder par dessus son épaule. C'est pas discutable, au cas où tu te poses la question. »

Il s'écarte de trois pas, tête inclinée, pour aviser l'esquisse de son labeur – l'ensemble encore pas si mauvais qu'il aurait pu le croire. Deux lattes plus tard, cigarette entre les lèvres, il se remet à ouvrage – et sur le métal oxydé, peu à peu, prend forme le premier mot qui lui a traversé l'esprit, sous les traits maladroits de celui qui n'a jamais graphé les murs, mais empreints de la maîtrise des proportions, des ombres et et des perspectives de celui qui sait pourtant ce qu'il fait ((de celui qui sait dessine – celui qui a noyé des jours et des nuits entières sous les crayons et les feutres et l'aquarelle et les fusains)).

Ce n'est que lorsque la bombe de jaune crie à l'agonie qu'il s'écarte enfin pour admirer le rendu final, étalé sous leurs yeux.



« emily » « roman »
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